Le ministre des Affaires étrangères du Bénin, Olushegun Adjadi Bakari, a pris ses distances avec les positions récentes de Me Adrien Houngbédji, tout en lançant un appel explicite à la jeunesse de l’Ouémé. Refusant la confrontation directe, il privilégie un message de rupture tranquille : celui d’un avenir à construire loin des figures et des récits politiques du passé.
Une posture mesurée mais résolue
Invité sur Bip Radio dans le cadre de l’émission L’entretien Grand Format, le ministre a réagi à la prise de parole publique de l’ancien président de l’Assemblée nationale, sans toutefois entrer dans la polémique. « Je me refuse de commenter ses propos, par respect pour mon éducation », a-t-il affirmé. Cette déclaration, d’apparence neutre, constitue en réalité une réponse habile, marquant une volonté d’élévation au-dessus des clivages tout en posant les jalons d’un nouveau discours politique.
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Critique implicite, rupture explicite
Derrière cette réserve de ton, le ministre délivre un message sans ambiguïté à destination des jeunes de sa région. Il interroge directement la pertinence de l’engagement passé auprès du Parti du renouveau démocratique (PRD) : « Une bonne partie de la jeunesse de l’Ouémé a milité dans son parti. Mais, concrètement, qu’ont-ils gagné ? » Une formulation qui vise à éveiller une prise de conscience collective sur l’inefficacité perçue de cet héritage politique. « Nous, jeunes de l’Ouémé, devrions mettre cette image derrière nous », a-t-il poursuivi, appelant à une forme d’émancipation générationnelle. Cette invitation dépasse la simple critique : elle dessine une volonté de tournant, à la fois idéologique et stratégique.
Mettre en avant les réalisations plutôt que les regrets
Dans le même souffle, Olushegun Adjadi Bakari souligne les efforts concrets du gouvernement dans la région. Il évoque des « investissements massifs » dans l’Ouémé, au point de ne plus reconnaître Porto-Novo, sa ville natale. « Quand je vais à Porto-Novo, je ne me retrouve même pas », confie-t-il, dans un registre à la fois personnel et politique. Ce constat vise à renforcer un discours d’efficacité, fondé sur les résultats tangibles plutôt que sur les symboles. Le ministre mise sur cette transformation visible pour susciter une nouvelle adhésion populaire, centrée sur l’action gouvernementale. Son discours cherche à mobiliser la jeunesse en valorisant le présent plutôt qu’en ressassant les débats d’hier.
Deux lectures opposées de l’avenir du pays
En filigrane de cette intervention se dessine un désaccord profond avec les propos tenus par Me Adrien Houngbédji quelques mois auparavant. En février 2025, ce dernier appelait à la libération des « prisonniers politiques » et au retour des exilés, dans une démarche empreinte de mémoire et de réconciliation. Il plaidait pour un retour à « l’esprit de renoncement » de 1990 et à un dialogue apaisé « sous l’arbre à palabre ».
« Que nous discutions de ce qui nous oppose les uns aux autres… », avait-il proposé, dans une tentative de relancer le consensus national. Un appel qui, bien qu’emblématique, contraste fortement avec la position du ministre actuel.
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Une fracture générationnelle assumée
Olushegun Adjadi Bakari incarne une vision tournée vers l’efficacité et la transformation, à rebours des discours d’introspection. Il estime que l’enjeu n’est plus la réconciliation symbolique, mais la construction réelle. Cette posture révèle une rupture de fond, où l’action prévaut sur la mémoire. Dans ce paysage politique en mutation, la jeunesse devient le terrain d’affrontement de ces deux conceptions du progrès : l’une ancrée dans le souvenir, l’autre projetée dans le concret. Le ministre, en appelant à « tourner la page », ne s’oppose pas seulement à une personne, mais à tout un paradigme.
SOURCE : La Nouvelle Tribune