Face au phénomène croissant de l’émigration de la jeunesse africaine, le Réseau des Leaders africains pour la démocratie, l’émergence et le renouveau (Réseau-LEADER) a organisé un atelier de sensibilisation à Cotonou. Cette initiative, tenue le 17 mai 2025, a mis en lumière les dangers méconnus des parcours migratoires et les nouvelles formes d’exploitation qui guettent les jeunes candidats au départ. Un événement qui marque le début d’une mobilisation continentale contre ce que les organisateurs qualifient de « drame silencieux ».
Une mobilisation contre un fléau contemporain
L’atelier, placé sous le thème évocateur « Jeunesse africaine et migration : entre espoir et nouvelles formes de risques », a réuni des participants de divers horizons à Cotonou. Hambla Akobi, coordonnateur du parti Les Patriotes (Bénin), a officiellement lancé les travaux avant de céder la parole au Dr Emmanuel Gnangnon, figure de proue du Réseau-LEADER et président du Mouvement Togolais pour la Restauration.
Dans son intervention, ce dernier a dressé un constat alarmant de la situation migratoire africaine. Il a notamment qualifié le phénomène de « servitude de haute intensité, maquillée par une promesse toxique ». Son message central portait sur l’urgence d’une prise de conscience collective : « Notre silence deviendra coupable » si aucune action n’est entreprise, a-t-il martelé avec gravité.
La responsabilité partagée face à ce drame continental constitue le fondement idéologique de cette mobilisation. Pour le Réseau-LEADER, briser l’omerta autour des réalités migratoires représente désormais une priorité absolue.
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Les mécanismes pernicieux de l’émigration dévoilés
Habiba Issa Bony, présidente de l’Union des populations du Cameroun (UPC) et panéliste principale de l’événement, a décortiqué avec précision les rouages souvent invisibles des filières migratoires douteuses. Son exposé a mis en lumière les pratiques frauduleuses de certaines agences de voyages qui, après avoir encaissé des sommes considérables, disparaissent dans la nature ou constituent des dossiers fantaisistes.
« Ils disent qu’ils veulent nous aider, mais en réalité, ils ne nous aident pas », a-t-elle affirmé, dénonçant un système d’exploitation bien rodé. Son intervention a dévoilé les multiples facettes d’un phénomène complexe : parcours migratoires périlleux, conditions de vie déplorables à l’étranger et mécanismes de recrutement aux intentions troubles.
Cette analyse sans concession a permis aux participants de prendre la mesure véritable du problème, au-delà des récits enjolivés qui circulent habituellement.
Des témoignages qui changent les perspectives
La force de cet atelier résidait également dans les témoignages poignants livrés par plusieurs jeunes. Hluiti Epiphanie, titulaire d’une licence en socio-anthropologie et animatrice communautaire, a partagé son désir initial de partir au Koweït comme employée de maison. « J’avais une vision et la vision c’était d’aller au Koweït pour faire le travail de fille de ménage et c’était déjà calé dans ma tête », a-t-elle expliqué.
Cette aspiration trouvait sa source dans des contacts trompeurs avec des amies prétendument installées là-bas. « J’ai des amis là-bas, elles sont bien payées. Elles sont à l’aise », pensait-elle savoir. Toutefois, l’atelier a radicalement transformé sa perception : « J’ai maintenant pris une décision : rester dans mon pays pour mettre en œuvre mes compétences », a-t-elle déclaré avec conviction.
Un revirement similaire a touché Karine Kinha, diplômée en administration et esthéticienne. Son rêve américain s’est évanoui après une expérience douloureuse : « J’ai mis mon argent dedans sans que mes parents ne sachent… À la fin, il n’a plus rien retrouvé », a-t-elle confié à propos d’un proche ayant tenté l’aventure.
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Un appel à l’action aux multiples dimensions
Dans sa déclaration finale, le Réseau-LEADER a formulé des recommandations précises à l’intention des différents acteurs sociaux et politiques du continent. Les chefs d’États africains sont exhortés à « sortir du mutisme diplomatique » et à diligenter des audits sur les programmes de recrutement destinés à la Russie et au Moyen-Orient.
Les médias sont appelés à « briser les murs du silence » et à constituer des réseaux d’investigation pour démanteler les structures douteuses. Quant aux organisations de la société civile, elles sont invitées à intensifier leurs efforts d’éducation et de sensibilisation dans les écoles, les lieux de culte et les centres de formation.
Le message central reste sans équivoque : « Aucune souveraineté africaine ne peut être livrée au marché mondial comme matière première. ». Cette position reflète la vision fondatrice du Réseau-LEADER, créé le 15 mai 2024 et désormais présent dans dix pays africains.
L’organisation précise toutefois que son combat ne vise pas à interdire l’exploration du monde, mais à garantir que celle-ci se fasse dans la dignité et l’égalité. Un rappel saisissant conclut leur intervention : sur 100 jeunes partis, 100 se retrouvent enrôlés dans des conflits ou perdent la vie, dans une indifférence générale que le Réseau entend désormais combattre avec détermination.
SOURCE : Banouto